Un nouveau type de luxation irréductible métatarso-phalangienne du gros orteil : luxation latérale isolée.

Observation:

Une femme de 22 ans s’est présentée au service de urgences avec une déformation et douleur du gros orteil gauche à la suite d’une chute en moto.


La radio a montré une luxation latérale de l’articulation  métatarso-phalangienne associée à une fracture sous-capitale du 2ème métatarse. Sur le cliché de 3/4 on a constaté l’absence d’une composante dorsale de la luxation et l’os sésamoïde médial bipartite. Une réduction sous anesthésie loco-régionale s’est avérée impossible. 

L’articulation a été abordée par une incision interne d’une longueur de 5 cm. Le ligament collatéral médial a été rompu.

L’image ci-jointe montre que l’obstacle à la réduction a été causé par l’interposition de la tête du métatarse entre le tendon de l’adducteur et chef médial du court fléchisseur.

La réduction a été réalisée par une manoeuvre de déchausse-pneu à l’aide d’un écarteur contre-coudé placé sous le tendon abducteur et appuyé par son extrémité sur la tête du métatarse.


E = le long et le court extenseurs

CF = les deux chefs du court fléchisseur

LF = le long fléchisseur

A = abducteur



Après la réduction, l’articulation est devenue stable et la fracture du 2ème métatarse s’est alignée.

La patiente a été autorisée à marcher avec une chaussure à appui talonnier pendant un mois.

Discussion:

Une luxation métatarso-phalangienne du gros orteil est un traumatisme rare; surtout dans sa forme irréductible. Une revue détaillée de la littérature et de la classification a été présentée par Bousselmame et coll. (1). La luxation la plus fréquente est dorsale.

Le caractère irréductible de la luxation dépends de l'intégrité du complexe formé par

  1. les deux sésamoïdes,

  2. le ligament qui les relie et

  3. les muscles qui s’y attachent.

Quand ce «frein» reste intact et glisse au dessus de la tête du métatarse, la luxation est irréductible. Par contre, en cas d’une rupture d’un ligament inter-sésamoïdien où/et d’une fracture sésamoidienne, la réduction orthopédique est possible. Cette classification d'intérêt pratique proposée par Jahss (6) a été confirmée par d’autres observations (1,3,4,6,7).

Des observations rares ont été aussi décrites où la luxation dorsale est accompagnée par un fort déplacement latéral:

  1. PuceBousselmame et coll. (1) ont observés une luxation ouverte sans obstacle à la réduction.

  2. Puce Dans les cas de DeCasas et Mesa (4) et Yu et coll. (7) la tête du métatarse a glissé au dessous du chef interne du court fléchisseur et du tendon de l’abducteur.

Nous n’avons pas trouvé dans la littérature une observation identique à la notre ctd. une luxation exclusivement latérale où la tête passe à travers le septum intermusculaire entre l’abducteur et le chef médial du court fléchisseur.

Les schémas de profil montrent la différence entre la luxation dorso-latérale (4,7) à gauche et latérale pure à droite (notre observation). F=fléchisseur A= l’abducteur


Il est couramment traduit dans les livres d’anatomie, que l’insertion des deux muscles est commune sur le sésamoïde médial et que les tendons sont solidement fixés ensemble. Dans cette condition, une séparation des deux muscles par la volumineuse tête métatarsienne serait improbable sans rupture d’au moins d’un des deux tendons ou une fracture du sésamoïde.

Or Brenner (2) a trouvé, que les descriptions dans la littérature ne sont pas unanimes. Il a analysé en détails leurs attachements sur les pièces cadavériques. Il a trouvé que dans 38,5% des cas, l’insertion de l’abducteur se situe sur la phalange proximale sans aucun attachement avec l’os sésamoïde. Nous supposons que notre patiente faisait partie de cette variante anatomique. Une rupture du ligament collatéral médial associée à une fracture du 2ème métatarse a permis un déplacement exclusif dans le seul plan frontal.


Littérature:

  1. 1.Bousselmame N.,Rachid K., Lazrak K.,  Galuia F., Taobane H. et Moulay I. : Nouvelles variétés de luxations métatarso-phalangiennes du gros orteil : les luxations latérales. Rev. chirurgie orthop. 2001, 87, 162-169

  2. 2.Brenner E. :Insertion of the abductor hallucis muscle in feet with and without Hallux valgus. Anat. Rec. 1999, 254, 429-434

  3. 3.De Palma L., Santucci A., et Marinelii M. : Traumatic dislocation of metatarsophalangeal joint : report of three different cases. Foot Ankle Surg. 2001, 7, 229-234

  4. 4.DeCasas R. et Mesa F. : Irreducible dorsal dislocation of the metatarsophalangeal joint of the hallux. Arch. Orthop Trauma Surg 1990, 109, 173-174

  5. 5.Hussain A. : Dislocation of the first metatarsophalangeal joint with fracture of fibular sesamoid. Clin Orthop 1999, 359, 209-212

  6. 6.Jahss M.H. : Traumatic dislocation of the first metatarsophalangeal joint. Foot and ankle, 1980, 1, 15-21

  7. 7.Yu E.C. et Garfin S.T.:  Closed dorsal dislocation of the metatarsophalangeal joint of the great toe. Clin. Orthop. 1984, 185, 237-240